On entend parler du toumo pour la première fois dans le livre de la grande exploratrice Alexandra David-Neel, Mystiques et magiciens du Tibet. Ecoutons ce qu'elle en dit : "Passer l'hiver dans une caverne située, souvent, entre 4000 et 5000 mètres d'altitude, vêtu d'une robe mince ou même nu et ne pas périr gelé, est un problème compliqué. Nombre d'ermites tibétains l'ont pourtant résolu, et leur endurance est attribuée au fait qu'ils possèdent le moyen de stimuler la chaleur interne appelée toumo. Le mot toumo signifie chaleur, mais il n'est pas employé dans le langage courant pour désigner la chaleur ordinaire. C'est un terme technique du vocabulaire mystique, et les effets de la chaleur mystérieuse dénommée ainsi ne sont pas confinés à échauffer le corps des ascètes capables de l'engendrer."
Le spectacle d'un ascète ne portant qu'un simple pagne et pratiquant le yoga au mépris des rigueurs de l'hiver dans les chaînes de l'Himalaya est pour le moins insolite et relève plus de la fantasmagorie.
Le Tibet a toujours été, pour nous occidentaux, un pays magique qui draine son chapelet de mystères, comme la légende du Yéti, les histoires de moines qui leacute;vitent, « Tintin au Tibet » est à ce sujet très révélateur, alors, pourquoi pas des ermites dotés de pouvoirs qui leur permettent de résister au froid ?
Pourtant, notre regard change, lorsqu'on découvre que le toumo a ses adeptes en France et qu'il ne s'agit pas de lamas doués de pouvoirs surnaturels, mais simplement de gens passionnés par ce yoga très particulier.
On peut comprendre que les tibétains aient été poussés par la nécessité de s'adapter aux rigueurs de leur climat, mais qu'est-ce qui peut pousser des gens « normaux » à entrer dans l'eau glacée ou sous des cascades par des – 15°?
D'abord, le besoin de rétablir le dialogue avec le corps. Tout le monde a la capacité de s'adapter au froid. Simplement, les artifices qui nous entourent nous l'ont fait oublier. La climatisation, le chauffage, sont autant d'obstacles entre nous et la capacité de thermorégulation du corps.
Ensuite, le besoin de rétablir le dialogue avec la nature. Je ne connais pas de sensation plus intense que ces fois où je me suis trouvé dans un torrent de montagne ou sous une cascade, alors que l'orage grondait. C'est un sentiment extraordinaire de ne plus simplement être le témoin de ce spectacle, mais une de ces particules ballotées par les éléments déchaînés.
Enfin, ce débordement d'énergie lorsqu'on sort de l'eau glacée. Le froid à la propriété de stimuler la circulation sanguine et les défenses du corps. C'est ce qu'a démontré l'Abbé Kneipp, père de l'hydrothérapie.
Le yoga tibétain a un côté très martial. Ce n'est sans doute pas par hasard si les moines yamabushi au Japon utilisent les mêmes techniques pour se purifier (méditations sous les cascades, enfouissement dans la neige, etc ...). Pour pratiquer le yoga du froid, il faut être dans une démarche de dépassement de ses peurs les plus profondes, déterminé, et surtout préparé par un instructeur compétent. On ne s'improvise pas yogi du froid. Une exposition au froid lorsque l'organisme n'a pas été préparé par les exercices spécifiques du toumo, peut tout simplement déboucher sur une catastrophe.
Le toumo se transmet et ne se trouve pas dans les manuels. Et pour ceux qui seraient tentés par l'expérience, je n'ai qu'un conseil, c'est de rencontrer Maurice Daubard, le spécialiste du toumo en Europe, dans son école de yoga au fin fond de l'auvergne, où il enseigne un toumo qui a le mérite d'être occidentalisé. Car n'oublions-pas qu'au Tibet, le toumo n'a pas d'intérêt en soi et n'est qu'une marche pour accéder à une spiritualité faite de renoncement et d'abnégation. Je ne prétends pas que ces notions soient inexistantes en Occident, encore que pour les rencontrer, il faut soit remonter au moyen-âge, soit se rendre dans certains monastères orthodoxes, où la prière et le renoncement sont la règle de vie depuis toujours. Simplement, la mystique tibétaine ne nous est pas accessible. Personne ne l'exprime mieux que Jung dans Psychologie du yoga de la kundalini. « Les représentations hindoues nous sont étrangères, à nous Occidentaux. Pour la plupart d'entre nous, nous sommes incapables d'en acquérir une connaissance profonde. En outre, nous sommes tous, physiologiquement parlant, des chrétiens, que notre conscience le reconnaisse ou non. Aussi, toute doctrine qui s'appuie sur l'esprit chrétien a plus de chance de conquérir notre être qu'une doctrine si profonde soit-elle, issue d'une souche étrangère. »
Par Delnord Wilfrid
wilfrid.delnord.free.fr
Site de Maurice Daubard
www.mauricedaubard.com