Sous ce titre aux connotations musicales, Charles Edward Caplife aborde un sujet inattendu : le bonheur. Ou plutôt, il en montre le revers, fait de douleurs et de désillusions. En gros, quand on descend l’autre versant de sa vie, un beau matin, on peut connaître une poussée de doute et s’aviser qu’il serait peut-être temps que le bonheur se présente. Après des années de patience, on entre en désespérance car on n’a vu jusque-là que l’ironie du malheur : « Celui-ci aspire à l’amour, il se voit promu docteur ès solitudes. Celui-là cherche une existence meilleure, hors de son giron naturel, le voilà acteur d’un abominable exil ! Il finit englué dans la vie comme un oiseau mazouté ; et les écologistes de l’individu n’existent pas encore. »
Dans ce contexte, la quête du bonheur et la peur de sa doublure, le malheur, peuvent vite atteindre leur phase purement imaginaire où tout est permis : on entre en utopie. Imaginez l’éclat de l’existence si l’on avait un moyen de garantir le bonheur et rien que lui ! Si seulement on pouvait se mettre dans une file, sur un carnet de rendez-vous, et attendre (peu importe le délai) que le bonheur pointe son nez ! À défaut d’en appeler à Dieu ou au diable pour avoir la certitude qu’il viendra, peut-on s’en remettre à la science ? aux mathématiques, sciences exactes par excellence ?
Messe en Apnée Majeure est une ébauche de réponse, présentée sur fond de musiques religieuses et profanes, dans des décors associant paisibles abbayes médiévales et villes modernes avec leurs stades de football survoltés…
Un texte écrit avec de brillants effets, comme ces « appoggiatures prédicatives » qui coiffent les chapitres. Citation : « Mes frères ! Au sommet de sa vie, attendre. De l’aube au crépuscule, guetter Le Bonheur. Et quand, au pied du ciel, s’annonce l’aurore nouvelle, empourprée de honte, se dire simplement : “Il aurait pu prévenir qu’il aurait un peu de retard.” »
L’intrigue, à travers des chapitres courts, entremêle les histoires de personnages qui pourraient être nos voisins : Soloman, physicien par qui le scandale arrive ; Martine, sa compagne, informaticienne et mère célibataire ; Alex, enfant adorable en quête d’un père à adopter ; et bien d’autres encore, tout aussi attachants.
Au détour d’une banalité de la vie quotidienne, elle nous met tout près d’un débat. Sur les sciences (sociales) d’abord : « … au fil du temps, il [le Dr Soloman] se surprit à se poser de plus en plus de questions existentielles : sur l’utilité réelle de son travail, sur les autres scientifiques. Il trouvait curieux, voire choquant, que la communauté des penseurs ne citât jamais les sciences sociales comme branches d’avenir de l’humanité. »
Ensuite, vient la politique, incontournable quand on veut concrétiser l’Égalité : « … demander au Prometteur de la République la création d’un haut-commissariat contre l’exclusion. »
Et bien sûr, l’amour n’est pas en reste : « S’il réapparaissait dans sa vie, elle [Martine] lui pardonnerait tout. Elle ne lui poserait aucune question. Elle n’essaierait même pas de le retenir pour toujours. Non, elle se contenterait du minimum : juste vivre le bonheur immédiat, encore une fois. »
Scientifiques, politiciens et amateurs de romantisme y trouveront leur compte. Certes, il ne s’agit pas d’un livre technique ; c’est bien un roman (sur la formule du bonheur, ceci expliquant peut-être une incursion en la science des nombres, qui tourne d’ailleurs en calcul de kilos de patates). Quand l’intrigue réclame leur présence, les éléments scientifiques sont intégrés à la trame romanesque de manière à les rendre compréhensibles pour tout lecteur.
Un bon moment à passer, entre rires et pleurs, selon Évelyne L., Française installée aux Pays-Bas. À faire découvrir aussi : un moyen sûr d’étonner ses amis en leur offrant un livre rare, presque confidentiel ou réservé aux initiés des belles-lettres, et néanmoins accessible.
Le site de l’auteur présente, entre autres, la quatrième de couverture, de larges extraits, ainsi que les librairies où trouver la version imprimée (éd. FrazMitic, déc. 2005, 416p, format : 14x20, ISBN : 2-915882-03-7, prix : 20 €).
Charles Edward Caplife est français d’origine haïtienne. Il milite, au sein d’associations, pour l’établissement d’une sécurité sociale en Haïti. « Oh ! pas grand-chose. Juste garantir le pain quotidien : au moins un repas par jour pour chaque Haïtien. » Il espère ainsi réduire les flux migratoires.